Il y a 100 ans à Lens, le 11 janvier 1917
(D’après le journal de Léon Tacquet « Dans la fournaise de Lens » paru dans le dossier de Gauheria n°7 en 2004).
Revenons à Lens il y a 100 ans aujourd’hui, le 11 janvier 1917.
Depuis 2 ans et 3 mois, Lens est occupé par les troupes allemandes. L’année 1917 sera-t-elle celle de la libération ? Les lensois en doutent : depuis 3 ans, la situation est figée. Malgré quelques offensives, les troupes allemandes ne se replient pas.
La population souffre des restrictions. Hier, le comité américain a remis des vivres aux habitants : 125 grammes de beurre (qui ressemble plus à de la graisse), 1 œuf pour 4 personnes, du pain de seigle et de froment. Les lensois fabriquent leur « pâté de guerre » : une mixture de riz, d’oignons, de thym et de saindoux !
Chaque jour voit s’abattre sur la ville ces instruments de mort. La semaine dernière, 17 obus sont tombés dans le cimetière. Les monuments sont éventrés, les croix arrachées, des cercueils surnagent dans les caveaux inondés.
Le canal tout proche est obstrué de débris et encombré de carcasses de péniches abandonnées en toute hâte par les mariniers.
Lens est une ville fermée interdite aux étrangers, une ville de garnison. Les allemands ont reçu la semaine dernière des renforts venus de l’arrière. Pour les loger, ils ont réquisitionné des chambres chez l’habitant.
Le temps est gris, il fait froid, la température est tombée jusque moins 14°. Il ne se passe pas un jour sans qu’on entende le canon. Pourtant, en ce 11 janvier 1917, la ville semble calme, trop calme …. Pas un obus, pas un tir d’artillerie depuis deux jours. Vers 5 heures du soir, alors que la nuit tombe, des soldats allemands se regroupent et semblent vouloir se rendre sur le front.
Tout à coup, une avalanche d’obus ! Il en tombe en cascade jusque minuit. Les lensois sont terrés chez eux, ou dans ce qu’il reste du « chez eux », sans électricité, sans chauffage. Le peu de charbon qui restait dans les caves a été réquisitionné par les allemands, cette cave : le meilleur refuge.
C’est le bombardement le plus puissant depuis le début de la guerre. Il tombera plus de 100 obus sur la ville. Par miracle, il n’y aura pas de victimes civiles. Chez les militaires allemands, on ne sait pas ! Les occupants ne communiquent jamais ce genre d’information.
Les troupes anglaises tirent de Calonne. Ils utilisent des obus à balles, des « shrapnel », qui en explosant envoient une multitude de projectiles sur l’objectif. De Loos, arrivent des obus énormes dont un seul peut écraser une maison entière. Il en tombe principalement entre le boulevard des Ecoles (boulevard Basly) et la mairie. Les grandes écoles ne sont plus que ruines.
Les obus atteignent l’église Saint Léger déjà bien mal en point et font s’écrouler un peu plus les pierres des murs. Rue du Wetz, il ne reste plus une maison debout. Rue de la Fonderie, il ne reste rien non plus du château Spriet.
Pas très loin, la gare n’est plus qu’un squelette de pierre et de bois.
Rue Diderot, les maisons voisines de celle d’Elie Reumaux ont reçu des « shrapnel » qui ont traversé les habitations du grenier au sous-sol, brisant tout sur leur passage. A l’hospice, cinq gros obus sont tombés sur les chambres quelques instants seulement après que les religieuses n’aient eu le temps de descendre les malades dans les caves. La moitié de l’hôpital est détruite. Un autre obus est tombé sur l’école privée de la rue de l’hospice éventrant toute le bâtiment et le réduisant à un tas de ruines.
La maison d’Ernest Cuvelette, rue de Douai (rue de Varsovie aujourd’hui) a également reçu un obus qui a laissé devant la porte un trou de 4,50 m de diamètre et de 3,5 mètres de profondeur. Les maisons voisines n’ont plus ni portes, ni fenêtres, ni toiture … Les rues du Chapitre (avenue Van Pelt) et Froissard sont jonchées de pierres, de bois, de débris provenant de ce qu’étaient encore hier des maisons. Le lendemain matin, des cris attirent les hommes qui déblaient : ils proviennent d’une dame réfugiée dans une cave qu’il faut extraire des décombres.
Les lensois nettoient, ramassent, réparent ce qui peut encore l’être, sauvent l’indispensable mais personne ne se plaint. Malgré leurs malheurs, ils applaudissent aux effets des bombardements, même s’ils en sont les victimes. Pour eux, ces obus qu’ils prennent sur la tête, qui détruisent leurs maisons, qui tuent leurs enfants sont signes d’une offensive donc d’un espoir prochain de libération.
Le lendemain, un communiqué anglais annoncera : « les positions allemandes ont été bombardées avec efficacité au nord-ouest de Lens ».
A 5 heures, il n’y a plus âme qui vive dans les rues, le couvre-feu oblige les lensois à de nouveau se terrer pour la nuit. On apprend que les habitants de Liévin vont être évacués. Qu’en sera-t-il des lensois ?
Il faudra encore subir les affres de la guerre pendant 3 mois avant que la ville de Lens ne soit à son tour vidée de ses habitants.
merci pour ce reportage et ces photos qui nous rappellent ces tristes moments qui ne sont pas si loin que ça
amicalement
Guislaine
PS TRES BONNE ANNEE
Bonjour
ça illustre bien ce que le notaire Taquet relate dans ses carnets et retranscrit par Gauheria sous « Dans la fournaise de Lens »
Amicalement
Bernard
-14 degres il y a 100 ans BRRRR
Meilleurs voeux et félicitations pour votre travail sur Lens et les Lensois.
Yves
Maman eest née en 1915 à Lievin et à passe le début de sa vie dans la cave de leur maison rue du Docteur Piette aujourd’hui , nom de mon grand père. Merci une fois encore à Claude . et tous mes voeux a tous ceux que j’ai pu connaître .Plus spécialement aux POT.
Ces photos et commentaires doivent étre garder au plus profond de notre mémoire.
Félicitations pour ce travail de recherce
Je me souviens que ma grand mère maternelle me racontais son évacuation de Lens en 1917.
Mon grand père avait été tué à Maurupt en septembre 1914. C’est donc avec ma mère et ma tante Madeleine sa fille ainée qu’elle se retrouva à Ath en Belgique…. Elle n’en gardait pas un souvenir très agréable.