Le 24 mai 1925, Lens honore ses morts.
Le 24 mai 1925, le Président de la Chambre des Députés Edouard Herriot vient inaugurer le « Monument dédié aux enfants de Lens morts lors de la Guerre Mondiale ».
Peu après la fin de la guerre, de retour dans leur ville après l’exode forcée d’avril 1917, quelques lensois imaginent d’ériger un monument en hommage aux 1024 militaires et civils tués lors du conflit.
En 1921, la ville se reconstruit courageusement. Les ruines ont été enlevées ; des habitations, encore provisoires et quelques commerces se dressent.
Lors de la séance du conseil municipal du 22 juillet, alors que certains élus doutent de la nécessité d’un monument, Alfred Maës, adjoint au maire, déclare: «Plus tard, quand nos ruines auront disparu, rien ne rappellera la guerre. Mais il faut que les générations de demain sachent ce qu’elle nous a coûté pour la haïr davantage». La participation financière de la municipalité à la construction est votée.
Alfred Maës et Emile Basly
Un premier comité regroupant des notables et industriels lensois est créé sous la présidence d’Henri Renard, quincailler à Lens. Mais l’affaire n’avançant pas, Emile Basly, en prend la présidence en novembre 1923.
Le rôle du comité est de choisir un emplacement pour le monument et de désigner parmi les six candidats celui qui aura l’honneur de le construire. C’est le projet présenté par le sculpteur Augustin Lesieux, statuaire et M. Barthelet, architecte qui est adopté par le Conseil Municipal en 1924.
Le monument ne représente pas, comme souvent ailleurs, l’héroïsme du combattant ou l’enthousiasme du champ de bataille. C’est une volonté des élus de l’époque de ne pas glorifier la guerre mais plutôt, tout en rappelant l’héroïsme de ses morts, d’en démontrer toute son horreur.
Construit grâce à une souscription publique mais aussi aux recettes des animations organisées par le comité, le monument coutera finalement 240 000 francs dont 50 000 mille à la charge de la ville. Outre les combats de coqs et autres tombolas, le 13 avril 1924 un gala de boxe est organisé à la Maison Syndicale. Le boxeur Georges Carpentier y dispute un match-exhibition. Le 24 du même mois, la Garde Républicaine y donne un grand concert au profit de la construction du monument.
Dès le samedi, les lensois se préparent à la fête. Sur les quais de la future gare de Lens dont le projet de construction vient d’être adopté arrivent de nombreux voyageurs de tous les coins du Pas-de-Calais. En ville, on installe des décorations, des calicots, des banderoles marquées ‘Honneur à Herriot’ ou ‘Honneur aux Etrangers’ devant lesquels répètent en défilant les sociétés musicales.
Ce soir, le monument aux Morts, encore recouvert d’un drap blanc, ressemble à un grand fantôme. De nombreux curieux s’en approchent ; quelques sociétés déposent déjà leur couronne de fleurs alors que les haut-parleurs crachent quelques ‘un, deux, trois’ prouvant leur fonctionnement.
Le dimanche 24 mai 1925 matin, c’est sous un beau solail que la Fanfare Ouvrière Municipale donne le départ des cérémonies dès 10 heures. Elle se forme sur la place du Cantin et défile jusqu’à la gare. La foule déjà importante la suit.
La Fanfare Ouvrière Municipale de Lens
Tout ce beau monde se regroupe sur la place de la gare. Trente gendarmes à cheval tentent de maintenir la foule de plus en plus nombreuse. Pour accéder plus loin, il faut être muni d’un laissez-passer délivré par la mairie.
Il est dix heures quarante lorsque le train en provenance de Paris entre en gare ; en descendent Edouard Herriot accompagné du Préfet du Pas-de-Calais et de collaborateurs.
Ils sont accueillis par Emile Basly, les députés du Pas de Calais Alfred Maës, Henri Cadot ou Raoul Evrard et les élus du Conseil Municipal.
Une Marseillaise vibrante est entonnée par la Fanfare Municipale puis Edouard Herriot salue les sociétés présentes, les enfants des écoles municipales et les mutilés de la guerre. Il est ovationné par le foule qui hurle des ‘Vive Herriot’ et ‘Vive la République’.
Les personnalités montent ensuite en voiture pour rejoindre la maison syndicale dont la reconstruction est en cours. Le choix de cet édifice est justifié par le fait que la mairie n’est toujours pas reconstruite.
Alfred Maës et Henri Mailly au nom du Syndicat des Mineurs font visiter les locaux au président. La réception a lieu dans la grande salle de spectacle donnant sur la rue Emile Zola qui est envahie par une foule immense.
Emile Basly entame la séance en déclarant : ″A défaut de mairie, nous avons tenu à vous recevoir dans la maison du peuple, car nous savons votre sympathie pour les travailleurs. Nous ne serions trop vous remercier, monsieur le président, d’être venu au milieu de tous ces braves gens″.
Edouard Herriot lui répond et rend hommage au Peuple de la Mine et souligne tous les sacrifices qu’on du subir les lensois lors de la guerre. Il termine en affirmant avoir toujours œuvré pour la paix entre les peuples.
C’est ensuite à pied que tout ce monde se dirige vers l’hôpital provisoire de la rue de l’Hospice.
Pendant plus d’une heure, Edouard Herriot visite les malades, salue les enfants, les médecins, les infirmières, les sœurs franciscaines et reçoit moult bouquets de fleurs. Avant de partir, il offre 1000 francs à l’hôpital ″en souvenir de sa visite″ ajoute-t-il.
La matinée a été chargée, tout le monde a faim. Les personnalités se dirigent vers la salle Gabilly pour le banquet servi à 350 convives.
Le temps de manger, de boire, de remettre une légion d’honneur, d’autres médailles et de prononcer encore des discours, les horaires prévus au programme sont largement dépassées lorsqu’on retrouve enfin nos personnalités au pied du monument aux Morts où les attend une foule de plus en plus compact.
Selon la presse de l’époque, ils seraient 100 000 à attendre l’arrivée des officiels à 14 heures 30. Il y a du monde partout, sur les trottoirs et la place bien sur, mais aussi aux fenêtres, aux balcons, sur les poteaux télégraphiques, sur les toits des maisons et des voitures….. Mais c’est dans un silence total que le drap est retiré du monument.
Basly prend la parole. Il rend hommage aux militaires et civils lensois tués lors du conflit et au courage des habitants pour avoir si rapidement redonné une vie à la commune et termine son discours par un appel à une paix durable.
Puis vint le discours de M. Neuville, Président des Mutilés de Lens. Il remercie Edouard Herriot pour les efforts faits par son gouvernement envers les veuves et les orphelins et demande un geste plus important envers les blessés de guerre.
Enfin, Edouard Herriot félicite les Lensois du travail accompli pour la reconstruction de la ville Puis se tournant vers le monument, il déclare de sa vois vibrante : ″O morts, nous n’oublierons ni votre mémoire, ni votre exemple. Soyez salués. Vive la République immortelle !″. Eclate alors une nouvelle et vibrante Marseillaise.
La foule, émue mais heureuse fait une ovation au président de la chambre des députés. Pendant que le défilé des 196 sociétés locales se met en place, Edouard Herriot s’esquive discrètement pour aller reprendre le train pour Paris.
Herriot parti, la fête continue et les lensois assistent au défilé : harmonies, fanfares, chorales, sociétés de gymnastique, sapeurs-pompiers mais aussi associations de mutilés, de veuves ou de blessés de guerre. Elles sont si nombreuses qu’il a fallu prévoir trois lieux de regroupement. Les cortèges partent de la place Jean Jaurès, de la Porte d’Arras et du boulevard des Ecoles.
A 18 heures, plusieurs sociétés musicales donnent un concert sur le kiosque de la place de la République. La pluie qui s’est mise à tomber n’empêche pas la foule d’y assister nombreuse.
Le lendemain, la fièvre est retombée. Dès lors, les lensois peuvent admirer en toute quiétude le monument où subsistent les gerbes de l’inauguration.
Le monument aux morts de Lens restera jusqu’en 1972 sur la place du Cantin où il côtoya quelques temps le socle de la statue en l’honneur de Guislain Decrombecque qui ne fut jamais reconstruite.
En 1972, afin de sécuriser la circulation routière, l’œuvre fut déplacée au rond-point Van Pelt.
Le monument :
Extrait du Journal de Lens, édition du 24 mai 1925
« Le motif principal du monument est la ville de Lens personnifiée par une femme du peuple aux traits rudes et énergiques, qui, le pied sur une torpille, proteste du bras en un geste puissamment éloquent, contre l’envahisseur et ses actes de désolation. Sur le socle à droite se trouve un poilu appuyé sur son fusil et regardant au loin l’arrivée de l’ennemi ».
« Derrière, une femme et une gosse s’en vont, baluchon à la main, représentant l’exode, la fuite navrante devant le feu, la faim, l’exil, qu’ont connu de Lensois. A gauche, c’est le retour au foyer démoli. C’est le mineur qui revient au logis et retrouve le tout anéanti, brûlé, et qui, les mâchoires crispés et les poings serrés maudit éternellement la haine absurde des hommes qui s’entretuent ».
« La base du monument est ornée de bas-reliefs situés entre les trois sujets ci-dessus. Sous l’inscription : Lens 1914-1918, se trouve une galerie de mine au boisage brisé, envahie par les eaux.
« Sur la gauche, au milieu des fils de fer barbelés, un soldat porte secours à un de ses frères d’armes mortellement blessés et sur le motif de droite, le bombardement intensif saccage les usines et les mines ».
« C’est là une œuvre monumentale digne de notre cité. Elle passera à la postérité et nous sommes persuadés que peu de gens voudront vivre leur vie sans avoir vu le monument aux morts de Lens ».
Encore une fois un Grand Merci, à notre Lensois Normand, eT ses chouettes photos. AMITIES
Merci Bernard. Se voit-on bientôt à Lens ?
Félicitations pour le travail – Merci- Bien cordialement – RD -
Une fois de plus un magnifique travail Claude…Un grand merci.
chapeau mon gars on va vers l excellence !tres bon boulot .encore MERCI
Bravo et merci pour ce témoignage.
C’est chouette ces rappels sur l’histoire de ma ville natale.
Encore merci.
Un grand merci pour vos récits passionnants