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Lens en 1851

   Bonjour, je me présente. Je me nomme Séraphin Bouthemy, je suis né le 12 juillet 1808 à Lens. Mon père était ouvrier-tanneur et moi en cette année 1951, je suis concierge à la mairie. Je suis chargé de vous présenter ma ville.

   Lens n’est qu’un petit bourg de 2750 habitants pas très riche bien que 41 personnes soient considérées comme rentières d’après le dernier recensement. Pour beaucoup d’autres, c’est la misère, l’oisiveté.

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   La vie se concentre principalement autour de l’imposante église Saint-Léger. Autour de la place sur laquelle elle s’ouvre, on compte quelques commerçants : deux boulangeries, trois boucheries, quelques épiceries, une pharmacie, deux marchands de vin et même un vendeur de bonbons. C’est surtout l’habillement et les tissus qui font commerce : quatre marchands de laine, autant d’étoffes, cinq tailleurs, deux chapeliers et un perruquier. Ce domaine génère quelques emplois puisque la ville possède une blanchisserie, trois couturières, deux repasseuses, trois peigneurs et deux fileurs de laine, un teinturier, deux dentellières. Dans la rue de la Place, il y a aussi le magasin de Joseph Guffroy, le « marchand de nouveautés » !

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  Parmi les autres magasins, on trouve un serrurier, deux cordonniers, un horloger. Les autres artisans sont un peu plus éloignés du centre, ils sont surtout dans le Grand Faubourg : des ébénistes et tourneurs sur bois, des couvreurs, un maçon, un vitrier, un tanneur, un tonnelier, un vannier, un ramoneur, quelques menuisiers, deux fabricants de chandelles et même un bucheron. Le métal est également travaillé à Lens par un ferrailleur, deux ferblantiers et trois chaudronniers.

   Nous avons aussi deux fabriques d’huile et une autre de sel. La fabrication de bière engendre quelques emplois puisque nous possédons à Lens cinq brasseries appartenant à messieurs Crespin, Delagranville, Douchet, Durot et Saudemeont. La bière est vendue dans les 14 estaminets de la commune, on en trouve certainement aussi chez les quatre aubergistes.

   Sur la place Verte, un marché a lieu une fois par semaine dans la halle aux grains et dans la rue de la Place, en face de l’église, un marché aux victuailles et tissus a lieu les premiers samedis de chaque mois.

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   Mais la principale activité de la ville reste l’agriculture. D’ailleurs notre maire, monsieur Guislain Decrombecque, élu peu après l’arrivée de Louis Napoléon Bonaparte au pouvoir, est lui-même l’un des plus grands agriculteurs de France, il vient d’obtenir la médaille d’or à la dernière exposition nationale. Il a rendu fertile la plaine de la Gohelle si aride il y a encore quelques dizaines d’années. Il possède également une sucrerie, une fabrique de tuiles et de briques, une distillerie dans laquelle il produit du genièvre.

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   Il est également le propriétaire, à la croisée des chemins d’Arras et de Liévin, d’un relais de poste aux chevaux. La diligence publique reste le seul moyen de voyager puisque notre ville n’est pas encore desservie par le chemin de fer et que notre canal a été remblayé il y a maintenant 60 ans.

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   Il y a cinq ans, une compagnie de chemin de fer privée a bien envisagé de créer une voie de chemin de fer entre Hazebrouck et Fampoux, près d’Arras et passant par Lens mais elle a fait faillite. Peut-être qu’un jour la toute puissante Compagnie des chemins de fer du Nord décidera de relier notre bourg à son réseau.

   La ville a également vu disparaître ses remparts et son château au siècle dernier. Il ne reste que les portes vers les chemins de Lille, de Douai et d’Arras en souvenir des temps anciens.

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   La suppression du canal a eu pour conséquence la fermeture des trois moulins qu’il alimentait. Il ne reste qu’un seul meunier à Lens à l’entrée nord de la ville, sur la route de Lille, Monsieur Bonvarlet. Un de mes amis y travaille, il est « chasse manée », c’est-à-dire qu’il va chez les particuliers recueillir les manées (gerbes de blé à moudre) pour les porter au moulin.

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  Pas moins de 34 exploitations agricoles sont recensées dans la commune, de la plus petite à la plus grande. D’ailleurs, près de 20% des habitants (hommes, femmes, enfants) sont des journaliers, ces ouvriers de ferme que l’on embauche et que l’on ne paye que lorsqu’il y a du travail. Ces personnes résident pour la plus part en dehors des anciens remparts, dans des masures insalubres en campagne. Dans les rues du bourg, il n’est pas rare de rencontrer quelques mendiants.

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  L’église catholique est toujours aussi influente sur notre ville bien que le couvent des frères Recolets, fermé pendant la révolution de 1789, n’ait jamais été rouvert. Le doyen du diocèse de Saint-Léger est le Père Amé Crespin. Il est secondé par un prêtre et un vicaire. L’école communale est dirigé par le Père Pierre Buron, son adjoint qui fait fonction d’instituteur est le frère Théodore Colin. A l’hospice, six religieuses franciscaines assistent le Docteur Testu. Il y a un autre médecin, le docteur Carlier en ville ainsi qu’une sage-femme. Ils n’ont pas pu faire grand-chose il y a deux ans lorsqu’une épidémie de choléra a tué des centaines d’habitants.

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   La police est assurée par 6 gendarmes aidés dans leurs tâches par trois gardes-champêtres. Nous avons également un juge de paix et deux huissiers de justice.

   On nous dit qu’il y a des entreprises qui effectuent des sondages dans les bois du côté du Faubourg Saint-Laurent. On y aurait trouvé du charbon à 150 mètres de profondeur.

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   Des sondages, il y en a un peu partout dans la région depuis qu’à Oignies il y a 9 ans, on a trouvé de la houille dans le parc du château de Madame De Clercq. Cette année, on a commencé à exploiter à Courrières la première fosse du Pas-de-Calais.

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   Ah ! Si seulement, les veines de charbon du sous-sol lensois étaient exploitables ! On pourrait voir peut-être une société minière se créer à Lens. Cela sortirait la ville de la misère et donnerait un travail mieux rémunéré à tous ces pauvres journaliers…

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Bernard Ghienne n’est plus

   La date du vendredi 30 septembre 2016 restera dans toutes les mémoires des amoureux de l’histoire de Lens et de la Gohelle. Ce jour là, celui qui est le plus passionné de tous, Bernard Ghienne, victime d’un accident cérébrale, nous quitte pour toujours à l’âge de 69 ans.

   L’un des créateurs de l’association Gauheria et de sa revue trimestrielle, Bernard Ghienne était féru d’archéologie. En 1984, il était également à l’origine de la création du CARL (Cercle archéologique de la région de Lens).

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En 1984, le fondateur de Gauheria offre à la municipalité une maquette de Lens au 13ème siècle

   Bernard a aussi laissé d’excellents souvenirs à ses anciens élèves du lycée Saint Paul de Lens et à ses amis adhérents de la CFDT dont il était l’un de représentants. Il a aussi été fait citoyen d’honneur de la ville de Lens.

   J’ai eu l’occasion de rencontrer plusieurs fois Bernard Ghienne. Dès notre première rencontre, nous sommes devenus amis, l’amour de l’histoire locale nous réunissait. Lui pour Gauheria, moi pour le blog, nous échangions régulièrement des informations, des documents ou le résultat de nos recherches sur le passé de Lens et de sa région.

  Concluons par le titre de la Voix du Nord du samedi 1er octobre : « Bernard Ghienne s’est éteint, laissant les passionnés d’histoire locale orphelins ».

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La seconde mort de l’église du 11

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   Dans la cité de la fosse 11 qui ne s’appelait pas encore la cité des Provinces, il était impossible de ne pas la voir. Celle qui était surnommée la cathédrale des mines,  l’église Saint Pierre a de tout temps surplombé la cité.

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   La première église Saint Pierre, œuvre de l’architecte P. Schmit (qui était aussi chef du service des constructions de la Société des Mines de Lens), fut construite à la fin du 19ème siècle et bénie le 2 septembre 1891. Elle était imposante avec ses deux clochers identiques encadrant un porche avancé magnifique.

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   Située pratiquement sur la ligne de front lors de la Première Guerre Mondiale, l’église Saint Pierre reçut ses premiers obus dès le début du conflit car elle servait de tour d’observation pour les troupes allemandes. A la fin de la guerre, elle n’était plus que ruines.

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  Ceux sont les architectes Cordonnier et Croin qui sont désignés pour reconstruire l’édifice pratiquement à l’identique de la première. Elle fut inaugurée sous la neige le 4 décembre 1925, jour de la Sainte Barbe.

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   Dès les années 70, la récession de l’exploitation charbonnière était bien amorcée et les HBNPC qui cherchent à réduite leurs coûts en cédant à la collectivité leur patrimoine, n’avaient plus la possibilité d’entretenir leurs églises. Elles les cédèrent alors aux associations diocésaines.

  Toutes les cérémonies religieuses furent interdites dans l’église Saint Pierre à la fin des années 70. Les offices avaient lieu dans la salle d’œuvres paroissiales située à l’angle de la rue du Saint-Esprit et de la rue du Béarn (inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques en 2009).

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   Très abimée, l’église fut alors murée et servit alors de …. garde-meubles, les Houillères y entreposant le mobilier provenant des différents services qu’elles supprimait et dont elle n’avait donc plus l’utilité.

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  Lors d’une réunion entre les HBNPC, l’association diocésaine et la ville de Lens en 1987, la décision fut prise de détruire l’église, la rénovation étant impossible en raison de son état de délabrement avancé et des affaissements miniers.

   Le lundi 2 novembre 1987, la structure de l’église Saint Pierre fut prise d’assaut pas les engins de démolition commandés par les HBNPC sous l’œil nostalgique des habitants de la cité.

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   Ces derniers ont profité d’une pose des ouvriers pour tenter de récupérer un objet dans les décombres et le conserver en souvenir.

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  Ce fut d’abord le porche et la façade qui fut abattus puis vint le tour de la toiture, de la nef et des bas-côtés. Enfin, dans l’après-midi du vendredi 6 décembre 1987, les derniers vestiges de l’église, les deux tours s’effondrèrent.

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  L’église Saint Pierre, détruite deux fois, disparait alors du paysage lensois.

  A la place de la cathédrale des mines fut un temps envisagé l’implantation d’un supermarché mais ce fut finalement le square Henri Nogueres qui prit la place de l’édifice religieux et comme il n’y avait plus d’église, la rue de l’Eglise changea de nom pour devenir la rue du Poitou.

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  A la même époque, l’église Sainte Barbe de la cité de la fosse 4 et le chevalet de la fosse 1 furent également abattus.

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